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Les conseillers municipaux au travail, 1864 - 1914

Publié le lundi 13 juillet 2009.


LA GESTION DES AFFAIRES COURANTES PAR LE CONSEIL MUNICIPAL DE PLOUNEVEZEL, 1864-1914


La source du présent article est constituée par les délibérations des conseillers municipaux, consignées dans un « cahier », en fait, un gros volume, aujourd’hui propriété des archives départementales du Finistère, où on peut le consulter librement..

Pour l’essentiel, les préoccupations des conseillers municipaux portent sur les affaires courantes … Les cours d’eau, les chemins, les ponts, le chemin de fer, l’assistance publique, l’appui accordé à des demandes d’exemption de service militaire, voilà qui constitue le plus clair des soucis et des délibérations des douze édiles constituant chacun des Conseils municipaux élus successivement…

Les ruisseaux, qui alimentent en force motrice cinq moulins ( le Vern, Treuscoat, Paulan, Hézec, Kergroas) et en eau claire de très nombreux lavoirs et abreuvoirs grossièrement aménagés pour les bovins, doivent être, à intervalles plus ou moins réguliers, récurés, élargis ou resserrés selon les cas. Il faut en effet tenir compte de l’influence du travail en cours des eaux courantes sur l’étendue des prairies : érosion qui rapetisse tel pré, sédimentation de boue et sable vite colonisés par l’herbe, qui agrandit tel autre. Le propriétaire du premier n’est pas loin d’accuser celui du second d’être un profiteur… Les conseillers sont donc sollicités - sommés ?- de porter remède aux errements de la nature.

Le pont « gaulois » de Sainte-Catherine fait l’objet en 1884 d’un projet de construction d’une passerelle sur l’arche démolie trois ans plus tôt lors d’une mémorable crue de l’Hyères

L’empierrement, les rectifications de tracé (par exemple, la célèbre côte de Gars-an-Hore) des chemins vicinaux sont à la charge des riverains qui peuvent s’acquitter, à leur gré, soit par une prestation en travail et matériaux (d’où l’intérêt de posséder des carrières, même de schiste) sous la surveillance du cantonnier communal (c’est la corvée d’Ancien Régime ressuscitée), soit par un impôt supplémentaire. A partir de 1886, Plounévézel, qui jusqu’à cette date, partageait un cantonnier avec Plouguer, emploie un cantonnier à plein temps. Son salaire, payé évidemment par les contribuables plounévézéliens, ne cesse d’augmenter, passant de 50 F par mois en 1886 (un ouvrier agricole gagne alors 2,5 F par jour) à 140 F en 1897…

L’apparition du chemin de fer est saluée avec intérêt par les conseillers. En décembre 1891, ils sollicitent du Préfet du Finistère « la création d’une halte à la maison de garde de Kerdutal sur la voie ferrée Carhaix-Morlaix, la commune se trouvant dépourvue de gare et les gares les plus rapprochées étant celles de Carhaix et de Poullaouen, lesquelles sont éloignées de 10 à 12 kilomètres pour certains habitants de la commune »…En 1907, le Conseil revient à la charge, émettant « le vœu que la halte soit transformée en gare avec voie de garage pour wagons de marchandises ». Cette revendication, satisfaite vers 1926-27, reflète une début d’ouverture au monde moderne d’une agriculture utilisant de plus en plus d’amendements marins (maërl) et, dans une moindre mesure, d’engrais chimiques. Cette « première révolution agricole » caractérise, en Argoat, la fin du XIXe siècle….

Les demandes de créations de foires émanant de communes proches ou lointaines reçoivent le plus souvent de la municipalité de Plounévézel une approbation sans réserve. Ainsi, lors de la séance du 26 février 1891 : « le Conseil, « considérant que les foires d’Huelgoat constituent le principal débouché des denrées du pays, surtout pour les céréales, émet un avis favorable à la création de sept nouvelles foires au Huelgoat.. ».. En revanche, en 1866, « le Conseil a décidé qu’il n’y a pas lieu d’accorder son adhésion à la création de nouvelles foires à Poullaouen, qui seraient préjudiciables à l’activité du pays par le dommage que ces foires porteraient à la culture en détournant les hommes de leurs travaux ». On se prend à songer à l’origine de l’expression « faire la foire »…

L’amour-propre des conseillers est constamment fouaillé par la mauvaise répartition des habitants sur le territoire communal. Le bourg n’est qu’un tout petit hameau « où personne ne veut aller habiter, sans commerce, sans importance et sans communication » (délibération du 21 janvier 1908). Aussi les conseillers proposent-ils en 1910 de le fortifier en y édifiant la nouvelle mairie (près de l’église et non près de l’école). La construction est financée par une augmentation de 15 % des impôts communaux et par un prélèvement sur les fonds fournis par les amendes frappant les délits relevant de la police correctionnelle…

Le quotidien, c’est aussi la misère matérielle d’une partie des habitants de la commune, frappés de déchéance physique ou (et) pâtissant de l’absence ou de l’extrême faiblesse de ressources vitales..

Cette misère est présente tout au long du demi-siècle étudié ; elle semble même s’aggraver, en raison de l’accroissement de la pression démographique : l’exode rural, relativement faible, ne joue pas encore le rôle de soupape de sûreté qui est le sien entre 1920 et 1950. Les exemples de personnes durement touchées abondent. En 1872, le Conseil accepte de «  payer les frais de traitement donné au sieur Le Gal François, mendiant et idiot, admis à l’hospice de Kérampuil ». En 1881, « Marie Jeanne Raoul, célibataire, âgée de 75 ans, demeurant à Kergariou, qui se trouve par sa vieillesse et sa mauvaise santé à ne plus pouvoir vaquer pour demander son aumône et, depuis quelque temps, elle garde le lit ; à défaut de parents, elle est nourrie par les amis et voisins du village mais ceux-ci commençant à être las des soins que sa mauvaise santé exige, commencent à l’abandonner ». En février 1898, « le maire expose qu’un vieillard et un enfant complètement indigents sont décédés et demande au conseil de voter un crédit de 7,50 F pour payer les deux cercueils ». Le 4 octobre 1914, le conseil accorde des subsides à « Yves Le Dain, de Coat-ar-Zulliec, veuf remarié, atteint de débilité physique et mentale, pourvu d’une épouse souffrant de débilité mentale, ayant un tout jeune enfant. Tous deux sont sans force et sans ouvrage ». Au tour des mères célibataires : « La nommé Marie T…., âgée de 26 ans, célibataire, domiciliée à Coat Guern, accouchée d’un enfant naturel masculin, Pierre Louis T… et dans l’impossibilité de l’élever, ayant déjà à sa charge ses père et mère âgés de 68 et 67 ans. En conséquence, le Conseil vote un crédit de 25 francs à l’enfant » (septembre 1893). Quelques âmes charitables épaulent la Municipalité dans son action sociale. Ainsi en février 1895, « la dame de Grotourity de Saint-Pierre a fait don d’une somme de 100 francs aux pauvres de la commune »

On trouve donc trace d’un sous-prolétariat rural de journaliers et de mendiants, la barrière entre ces deux états n’étant pas infranchissable : les mois d’hiver, mois « noirs » qui contractent l’offre d’emplois dans les exploitations agricoles, sont particulièrement difficiles à traverser. Ces miséreux, s’ils sont valides, « bricolent » l’été et mendient l’hiver. Consacrant l’essentiel de son temps à gagner la bataille politique contre les monarchistes, la République, en dehors de l’œuvre scolaire, a longtemps délaissé la « question sociale » et ne l’a abordée qu’après 1890 ; encore, les gouvernements républicains se sont-ils penchés avant tout sur la misère dans les villes. Le monde rural n’accède donc que très tard à la protection sociale d’Etat.

Autre source de préoccupation typiquement paysanne : le service militaire.

Sa durée et son « assise » ont considérablement varié. Avant 1889, tirage au sort : exemption pour les « bons numéros », jusqu’à 7 ans de « régiment » pour les « mauvais numéros ». 1889 – 1904, loi de 3 ans mais avec quelques exemptions professionnelles (les instituteurs, par exemple, ou les séminaristes). 1905 – 1912 : loi de deux ans pour tous. 1913 : loi de trois ans pour tous. Le temps de « régiment » est considéré à peu près comme une catastrophe domestique par le paysan et une menace pour l’avenir : perte de deux bras solides et attrait de la ville sur le fils pour qui la terre peut, à l’issue du temps de service, sembler trop basse. Aussi les demandes d’exemption affluent-elles à la mairie. Ainsi, en février 1909, « Le Jeune Pierre, 20 ans, troisième fils d’une famille de 9 enfants, dont l’aîné, marié, a quitté la maison paternelle, le puîné est sourd et inapte à certains travaux, les autres enfants trop jeunes, le dernier n’ayant que 6 ans, est appelé sous les drapeaux. Le Conseil soutient la demande d’exemption… »