La Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat républicain, adoptée en décembre 1905, prélude aux "inventaires" des biens des églises (1906), qui portent en germe la vente par adjudication de ces derniers (1907-1912). Le tout, dans une atmosphère tendue...
Bénéficiant, depuis des siècles, de donations de la part de chrétiens inquiets, à tort ou raison, pour leur salut, l’Eglise catholique possédait des champs, des fermes entières, des maisons, des presbytères, des églises. A charge pour les prêtres de dire des messes pour le repos des âmes des donateurs défunts.
La Séparation "nationalise" les biens ecclésiastiques. Les églises et les presbytères deviennent la propriété des communes, qui peuvent les vendre, les louer...
Dans le cas qui nous occupe, le sieur Joseph Le Gall, tavernier et cultivateur à peu près illettré (sa signature est, à cet égard, éloquente) à Plounévézel, se porte acquéreur du septième lot résultant de la confiscation en 1906 des biens de la fabrique (association gérant les biens de l’église : location, réparation, vente, achat...) de Poullaouen.
La vente du champ constituant ce lot est faite aux enchères, solennellement présidées par le sous-préfet venu de Châteaulin, et le Conseiller général du canton, le médecin carhaisien, maire radical-socialiste, futur député et futur sénateur. Le Gall donne pouvoir à un gratte-papier carhaisien de pousser les enchères jusqu’à 6 000 euros actuels.
Ce document provient des archives départementales du Finistère, série 2 V 91
On remarquera que cette procuration est écrite sur du papier timbré non gratuit et que la signature du demandeur est avalisée par le maire, Youenn Mével, qui, certainement n’approuve pas le comportement de Le Gall, mais remplit scrupuleusement ses obligations légales.
Le Gall désobéit évidemment à l’interdiction formelle de l’Evêché d’acquérir des biens "volés" par la République. Le Gall est donc excommunié.
Cette situation d’excommunié étant difficile à vivre, Le Gall fait des pieds et des mains pour être absous. Il consent à payer l’"amende" et l’Eglise le réintègre au bout de dix-huit mois dans la communauté chrétienne paroissiale, comme l’atteste la lettre du Vicaire général du diocèse de Quimper au curé de Poullaouen (archives du presbytère de cette paroisse)
Le Gall sort la tête haute de ce conflit. D’abord, il demeure propriétaire du champ. Ensuite, il ne l’a payé que 3 200 F et non 3 600 F comme il s’y attendait. Aucun autre enchérisseur n’a donc osé braver l’Eglise. Enfin, il a obtenu une diminution de l’"amende".
Perdantes : les âmes des donateurs de ce champ, surtout si elles sont supposées être, par leurs descendants vivants, au Purgatoire...